Les réponses de M.Richard Weber

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Après Georges Abi Saleh, président de la Plateforme Civile EuroMed, nous avons choisi comme invité pour le mois de décembre Richard Heber Weber, directeur général adjoint de l’Office de coopération de la Commission Européenne EuropeAid depuis 2007. L’Office administre les crédits des programmes et projets de coopération et de développement dans 150 pays avec un portefeuille en cours de plus de 22 milliards d'euros.

Spécialiste du management, de la gestion financière et de projets, économiste et diplômé d'une école supérieure de business, Richard Weber a commencé sa carrière dans la finance internationale avant d'intégrer en 1980 les services de la Commission Européenne. Il a notamment exercé les fonctions de Directeur du programme MEDA II et des opérations pour les pays de la Méditerranée de 2000 à 2006.

Réponses de M. Richard Weber


1. Il y a trois ans, M. Weber a visité la fondation Anna Lindh en Alexandrie. Y a-t-il eu des changements au sein de cette fondation? L’Union Européenne prévoit-elle un plan différent pour cette fondation dans le futur?

La Fondation Anna Lindh a connu au cours de ces dernières années un renouvellement substantiel de ses instances dirigeantes et un recentrage opérationnel sur les priorités essentielles de son mandat.

Elle est désormais, après la période normale de lancement et de mise en route que connait toute nouvelle institution ou structure, entrée dans une phase de consolidation et a atteint sa vitesse de croisière.

La Fondation sera ainsi en mesure dans les années à venir de développer une stratégie, des actions et programmes à la mesure des défis qui lui sont posés.


2. Quelle est la position de l’Union Européenne concernant le Sahara Occidental? Avez-vous des projets dans cette région? Passent-ils à travers les autorités marocaines?

L’Union Européenne soutient entièrement les efforts du secrétaire général des Nations Unies, l’instance adéquate pour traiter ce problème. Comme dans toute situation de ce genre, partout au monde, l’UE soutient de toute évidence, à travers une assistance humanitaire, les populations concernées qui ont besoin d’aide dans les camps de réfugiés

3. 
Quel est le meilleur système de gouvernance? Connaissez-vous des pays qui en font usage correctement?

La bonne gouvernance est une question multidimensionnelle et complexe qui concerne tant les autorités centrales, régionales et locales que l'administration et la société civile des Etats concernés.
La gouvernance dans un pays donné, doit être bien entendu adaptée aux besoins de la population et aux conditions économiques prédominantes.

Il n'y a donc pas de modèle d'excellence qui puisse servir de référence dans tous les cas, y compris au sein des pays les plus développés tant au niveau économique que démocratique.

C'est pourquoi, l'approche de cette question doit être modeste, pragmatique, et qu'il ne faut surtout pas s'ériger en donneur de leçons.

Les principes essentiels qui sous-tendent les relations extérieures européennes comprennent bien entendu le respect des droits fondamentaux de la personne humaine et la promotion de la démocratie. Nous défendons ces principes partout dans le monde mais notre action est œuvre de conviction et de persuasion et il n'est pas question d'imposer notre vision au reste du monde.

4. D’après votre expérience au sein de la Commission européenne, avez-vous remarqué une faible couverture médiatique des questions relatives au partenariat Euromed en région Méditerranéenne?


Les questions européennes, qu'elles concernent le partenariat Euro-méditerranéen ou tout autre sujet reçoivent la plupart du temps une couverture médiatique insuffisante. Cela est dû à deux raisons principales:

-la matière européenne est souvent complexe et difficile à expliquer aux non spécialistes dans un langage clair et simple.
-l'action européenne passe la plupart du temps par le niveau central de nos Etats partenaires (ministères, budget national) et, en dépit de son efficacité, ne possède donc pas une visibilité immédiate et directe pour les populations bénéficiaires. Par exemple, l'aide, fondamentale pour le progrès des pays méditerranéens, que l'UE apporte aux différents programmes de développement sociaux, en matière de santé et d'éducation en renforçant les budget nationaux, n'est pas directement perceptible pour les citoyens bénéficiaires dans chaque Etat concerné.

5. Quel est, d’après vous, la base des problèmes du Sud méditerranéen: l’économie, la politique, ou la culture?


Les problèmes du Sud méditerranéen sont multiples comme dans toute société humaine organisée de par le monde. Mais on peut considérer que les difficultés de la région Med sont dues d'une part à un niveau de prospérité insuffisant, notamment par rapport à l'Union Européenne, et à une série de facteurs dont les principaux sont:

- des circonstances historiques connues de tous et sur lesquelles il n'est pas utile de revenir.
- un niveau d'éducation des populations encore insuffisant avec notamment un taux d'analphabétisme trop élevé dans certains pays du Sud méditerranéen, en particulier au sein des populations rurales et féminines.
- un taux d'expansion démographique qui absorbe dans certains pays tous les fruits du progrès économique et de la croissance.
- une insuffisance des infrastructures de service, de transport, d'environnement et un cloisonnement excessif des marchés nationaux de dimension trop réduite pour attirer les investissements étrangers.
- un état souvent précaire et désuet des législations nationales notamment en matière économique.

6. 
Quelle est votre évaluation des projets mis en place au profit des Palestiniens? Avez-vous rencontré une résistance de la part de l’occupation israélienne?

Ces dernières années, l'UE (Commission+Etats Membres) a consacré près d'un milliard d'euros par an au soutien de la population Palestinienne.

Malheureusement, compte tenu des restrictions continues que les Autorités Israéliennes imposent en matière de mouvements et d'accès, nos actions ont dû, au cours de ces dernières années, être principalement consacrées au soutien humanitaire des couches les plus pauvres de la population et au maintien des services publics de base essentiels et indispensables aux Palestiniens (santé, éducation, fourniture d'électricité et d'eau, etc.).

Même si notre action s'est révélée bénéfique et essentielle pour soutenir l'Autorité Palestinienne et assurer un minimum de ressources à une grande partie de la population, nous n'avons pas pu, comme nous l'aurions souhaité, consacrer la majorité de nos financements au développement des investissements productifs et des infrastructures absolument nécessaires au décollage économique des Territoires Palestiniens ainsi qu'à la création d'emplois et de revenus stables.

7. Nous remarquons que la plupart des projets à Gaza ne sont pas productifs. Est-ce une politique visant à laisser le peuple dépendant de l’Europe?

Compte tenu de l'impossibilité permanente d'accéder librement à la Bande de Gaza en raison du bouclage du territoire par l'armée israélienne, et d'y importer un grand nombre de matières premières de base indispensables à la réalisation d'infrastructures, la plupart des projets mis en place au profit de la population locale ne peuvent évidemment pas être de nature productive.

Il s'agit essentiellement de dépenses visant à soulager la situation de la partie la plus pauvre et la plus défavorisée des résidents de Gaza, en liaison avec l'UNRWA, et d'autre part, d'aider au paiement des salaires des employés publics de l'Autorité Palestinienne qui délivrent les services essentiels de base à la population (santé, éducation, etc.).

En parallèle, l'Union Européenne assure le paiement du fuel utilisé par la centrale qui fournit une partie de l'alimentation électrique de la Bande de Gaza.

Notre objectif n'est certainement pas de garder la population de Gaza dans un état de dépendance vis-à-vis de l'Union Européenne mais de soulager - comme nous le faisons partout dans le monde où des êtres humains se trouvent dans un état de faiblesse et de précarité – les souffrances de la population palestinienne.

C'est l'honneur de l'Union Européenne de croire et de défendre partout les valeurs de solidarité et de promouvoir les droits de l'homme. Nous nous y efforçons, à Gaza et en Cisjordanie, comme ailleurs dans le monde.

8. Dans votre choix des pays et des projets qui y seront exécutés, êtes-vous confrontés à des obstacles à ce niveau de la part des gouvernements?

L’Union Européenne suit une démarche de partenariat, de conviction et de coopération. Il n'est pas question pour nous d'imposer quoi que ce soit à nos partenaires dans le monde puisqu'il s'agit d'États souverains et que nous sommes convaincus que seule la libre adhésion de nos interlocuteurs à des objectifs partagés peut permettre de développer une politique de coopération couronnée de succès.

Il nous arrive évidemment de rencontrer certains refus auprès d'autorités nationales lorsque nous leur proposons certains schémas de coopération ou des projets spécifiques. Dans ces cas-là, nous retirons ces propositions et nous en soumettons d'autres ou nous renonçons tout simplement à conduire des actions de coopération conjointes avec ces pays.

9. Que pensez-vous des mesures contraignantes que l'UE a tendance à imposer à certains pays bénéficiaires, lesquels se trouvent souvent obligés de manœuvrer pour le déblocage des fonds?

L'UE n'a pas l'habitude d'imposer des mesures contraignantes à nos pays partenaires. Nous suivons un schéma de coopération basé sur l'appropriation locale de nos projets et sur une démarche partenariale.

Bien entendu, lorsque nous signons une convention de financement avec les autorités d'un pays partenaire, les deux parties contractantes - l'UE comme l'État bénéficiaire - doivent respecter les obligations librement consenties et les engagements financiers qu'elles ont souscrits.

Quoi de plus normal? Il s'agit de sommes très importantes, plusieurs millions voire dizaines ou centaines de millions d'euros, et il est naturel que l'effort consenti par les citoyens européens pour apporter l'aide nécessaire à nos États partenaires soit assorti de contreparties au niveau des objectifs fixés d'un commun accord et résultats à atteindre. Lorsque ces objectifs et résultats ne sont pas obtenus, l'argent correspondant n'est donc pas débloqué.

L'UE doit rendre compte à ses Autorités de contrôle et aux représentants élus de nos concitoyens de la bonne utilisation des montants considérables que nous consacrons à nos Etats Partenaires.
Il convient de souligner que l'UE (Commission Européenne + États membres) apporte, à elle seule, près de 60 % de la totalité de l'aide internationale dans le monde (plus de 50 milliards d'euros par an).
Il est clair qu'un tel effort demande une justification précise et rigoureuse face aux 500 millions de citoyens européens qui sont appelés chaque année à consentir ces sacrifices financiers sur leurs propres ressources.
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