Fier de la France. C’est le mot d’ordre de la communication gouvernementale pour cette journée d’hommage aux victimes des attentats. Et il faudrait que je mette un drapeau tricolore à ma fenêtre, par solidarité si j’ai bien compris, par patriotisme.
En ce qui me concerne, je n’ai jamais aimé les drapeaux, ni les chefs et leurs ordres, mais surtout je ne suis pas très fier de mon pays.
Comme c’est un sujet un peu clivant qui part vite en vrille, je précise tout de suite quelques points:
- je n’attaque pas ceux qui mettent des drapeaux aux fenêtres, chacun fait ce qu’il veut (pour le moment), je sais qu’il y a des gens bien intentionnés et sincères.
- je ne crache pas dans la soupe. J’aime le pays dans lequel je vis, je contribue comme tout un chacun, je respecte la loi, use de mes droits et honore mes devoirs.
- je ne suis pas insensible, j’ai des proches durement touchés, et le hasard a voulu que je sois moi même monté à Paris en ce funeste vendredi 13 novembre pour enterrer un proche, niveau larmes et cœur fendu, j’ai eu ma part.
- il n’est pas dans mon intention de défendre des criminels
Ceci étant dit, je ne décolère pas. Comme pour le 11 janvier, si je suis touché par l’élan émotionnel des foules, je ressens une gêne: la certitude que tout le monde oubliera et reprendra le train train à la machine à café lundi matin. D’ailleurs beaucoup le disent: « ils ne nous font pas peur, on ne changera rien ».
Moi j’ai peur. Entre autres parce que justement il me semble qu’il faut changer pas mal de choses, et qu’on n’en prend pas le chemin. Surtout chez nos élus dont l’inouïe unanimité martiale contraste avec heureusement nombre de citoyens qui font preuve de recul, notamment chez les victimes.
Mais revenons au « nous ». Celui qui devrait nous rendre fiers, nous faire arborer ensemble nos couleurs, celle d’une Nation unie dans l’épreuve (et en dehors?). Si toute l’année c’était Liberté, Egalité, Fraternité, je pourrais comprendre, mais on est loin du compte.
Liberté, Egalité, Fraternité
Un « nous » implique un commun. Or moi ce que j’en vois au quotidien c’est une obsession de destruction du commun, le libéralisme fou règne dans les cerveaux disponibles, le catéchisme libéral est omniprésent dans les grands médias, chaque jour on nous explique que la solidarité c’est bien mignon mais qu’on n’a plus les moyens ma bonne dame. La « gauche » aime l’entreprise et les privatisations, le commun ce n’est pas « moderne » nous explique M Macron.
Alors elle est où la Fraternité? On vit dans un modèle qui se satisfait de millions de chômeurs depuis des décennies, « inactifs » dont la masse ne fera qu’augmenter mais personne ne veut rien savoir, imaginer un autre système c’est forcément pas sérieux, laisse faire les grands, les experts, les encravatés. Le réalisme c’est de rêver au plein emploi, ce truc qui ne reviendra jamais, mais on fait semblant d’y croire. Et puis promesses d’emplois = suffrages, alors…
La Liberté? Elle est mise à mal depuis des années dans l’indifférence générale par l’empilement frénétique de lois sécuritaires dont on peut douter tout de même un peu aujourd’hui qu’elles nous protègent mieux. Mais la question démocratique emmerde les français, ça fait pas bouillir la marmite.
Egalité? Ai-je besoin de développer?
Non, je ne suis pas spécialement fier de cette France de 2015. Ce pays pourrit gentiment devant sa télé, toujours plus loin de ses idéaux qu’il est si prompt à scander dès que l’émotion le permet. Des valeurs ça ne sert pas qu’aux beaux discours, ça se vit. Ils veulent attaquer « nos valeurs » parait-il, il me semble qu’elles sont déjà bien mal en point et qu’une très grosse partie du problème est là. Je ne sais pas pour les français, dur à estimer, mais la France est de moins en moins fraternelle.
Alors si dans ce genre de moments tragiques demain on trouve l’énergie pour un grand élan de solidarité, un « nous », un grand soir de reboot, tu peux compter sur moi, en attendant, je garde la liberté de vivre ma peine et ma solidarité discrètement.
Fraternellement.
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