Faire autrement, voir autrement

L’usine à idées de Philippe Dancause

spacer
← Décrire le leadership participatif… et son apport à l’organisation traditionnelle En lien avec le billet d’hier: trois façons d’organiser une fête d’enfants… →

Quand le contrôle est la seule voie possible…

15 novembre 2009 · 4 commentaires

spacer Drôle de titre.  Je l’ai écrit sans trop réfléchir, à partir de l’idée première de ce billet, qui prend sa source dans une toute petite question : pourquoi l’idée de laisser le contrôle et de favoriser la confiance et l’autonomie est elle, chez certains gestionnaires, inimaginable?

Je suis frappé, à chaque occasion où le sujet se présente (conférences, échanges individuels, forums, etc.), de voir à quel point la question du contrôle (et de la vision du management qui l’accompagne) comme élément essentiel au bon fonctionnement des organisations ne fait pas dans les demi-teintes. Ou on est pour, ou on est contre…

Sans me lancer dans ce débat (ma vision sur le sujet transpire passablement à travers mon blogue…), j’aimerais faire ici 2 réflexions:

1-Si on exclue les dimensions légales liées au contrôle dans certains contextes, la notion de contrôle en gestion est essentiellement, à mon sens, une question de confiance. Confiance en la capacité et la responsabilité des personnes à qui la latitude est donnée afin de réaliser une activité. Il ne faut en outre pas confondre contrôle managérial et outils de coordinations (processus de gestion de projets, système qualité,etc.) qui sont des moyens d’assurer une certaine cohérence dans les façons de faire et qui, pour des raisons pratiques, finissent par être nécessaires. Je parle donc ici de cette tendance à vouloir laisser le moins de latitude possible et d’intégrer le plus d’indicateurs mesurant non pas les résultats mais bien l’activité même des personnes ou équipe en cause.

Première réflexion donc :  la gestion par le contrôle de l’action et non des résultats est une pathologie spacer ou une attitude qui se ramène invariablement au manque de confiance ou….. à ma deuxième réflexion….

2-Je suis de plus en plus convaincu que, pour certaines organisations qui souffrent d’un tel désengagement de leur personnel, le contrôle est l’unique façon d’assurer leur fonctionnement… Dans ce cas, le contrôle est une forme d’emplâtre (ou de plaster) qui permet de tenir l’organisation ensemble afin de la maintenir viable. Cette réflexion m’est venue à l’esprit cette semaine lors d’une discussion avec Jean-Sébastien (mon associé chez Grisvert) et, depuis, je tente de réfléchir aux organisations que je reconnais comme les plus contrôlantes (certains organismes publics, grandes organisations, petites entreprises gérées par des dirigeants ayant des formations techniques, etc.). Invariablement, je me surprends à reconnaître que l’élimination subite de tout contrôle mènerait certaines de ces organisations à leur perte.  Pourquoi donc? Ma réponse n’est évidemment pas définitive (et ne le sera probablement jamais!). Je pense que le passage d’une condition de contrôle à une condition d’autonomie et d’initiative est un chemin long et périlleux :

  • Le contrôle est simple : une seule vision à maintenir, un endroit pour décider, des systèmes pour mesurer et des règles à respecter. Un système centralisé quoi. Tout a l’avantage d’être clair et de « paraître » organisé.
  • L’antithèse du paradigme du contrôle, celui de la confiance et de l’autonomie, exige la présence de plusieurs conditions dans l’organisation : une vision commune et évolutive, de la CONFIANCE, de l’ouverture, de l’altruisme, de l’engagement de la part de parties prenantes, une forte connexion entre la direction et la base, etc.

L’inertie générée par la culture du contrôle est, en ce sens, énorme!  Presque vertigineuse !

Pourquoi donc se donner tout ce mal? à mon sens, pour 3 raisons :

  1. Parce que le contrôle comme mode de gestion génère de piètres résultats dans des contextes complexes… Et que les contextes deviennent de plus en plus complexes…
  2. Parce que de moins en moins de gens acceptent de travailler dans de telles organisations. En fait, celles-ci deviennent très bonnes pour évacuer les personnes autonomes, engagées et inspirantes!
  3. Parce que, selon mon expérience, les organisations construites autour du paradigme du contrôle sont non seulement peu flexibles mais ont tendance à surveiller les mauvaises choses (la conformité interne plutôt que l’évolution de l’environnement plus large).

La chose est-elle donc sans issues? Les organisations construites sur le contrôle sont en soi lentes et peu adaptées pour faire face à la complexification grandissante de leur environnement. De plus, elles favorisent l’assèchement des qualités mêmes nécessaires au succès des organisations construites sur la confiance et l’exploitation de l’initiative des gens…

Oui, j’imagine quelques organisations où je ne vois pas par où commencer….

Toutefois, celles qui ne sont pas dans les extrêmes ont, je pense, plusieurs avenues possibles (quoique rien ne soit magique et immédiat):

  1. La multiplication des centres d’initiatives et la distribution des responsabilités sont des actions qui exigent une forme de leadership qui se rapproche plus du leadership génératif (ou participatif) que du leadership centré autour d’un « héros ». À ce titre, sans transformation du style de leadership, il y a peu de chance de voir apparaître les autres caractéristiques attendues (engagement, initiative, responsabilisation,etc.)
  2. La confiance, l’engagement et l’initiative sont des choses qui s’apprennent et qui ne peuvent se faire seules… À ce titre, je pense que le meilleur moyen est l’expérimentation rapide sur le terrain.  Tester plusieurs choses rapidement, dans le feu de l’action, avec les gens. Créer un contexte où l’échec est facile et accepté (et non évité à tout prix). Diffuser et institutionnaliser rapidement les succès. C’est la façon la plus concrète, authentique et réaliste que j’ai pu expérimenter jusqu’à maintenant (bien qu’elle soit de longue halène). La réalisation de rencontres d’exploration de groupe et l’utilisation de la démarche appréciative (appreciative inquiry) sont, à mon sens, des approches qui complètent et permettent d’accélérer le processus.
  3. À force de faire ce qu’on a toujours fait, on augmente nos chances d’avoir les résultats qu’on a toujours eus….  Pour que ce qui se passe dans l’organisation commence à changer, il faut que les gestionnaires changent leur façon d’être au quotidien.  Je n’ai jamais vu de changement concret se réaliser sans que des façons de faire et des habitudes bien installées dans les hautes et moyennes directions ne soient elles-mêmes changées. La question est donc : qu’est-ce qui doit être changé?  J’ai pour seule réponse mes expériences et opinions : la façon d’écouter, les indicateurs suivis, la structure de réunions (contenu des comités, façon de prendre des décisions,etc.), l’organisation du temps (passer plus de temps sur le terrain), prendre le temps d’identifier les questions du moment pour l’organisation, etc. La deuxième question : est-ce possible de transformer ces façons de faire sans changer certain des gestionnaires en place…

Voilà. Réflexion sans fin…

Donc, retour au point de départ : et si certaines organisations n’avaient tout simplement pas les moyens de s’éloigner du paradigme du contrôle?

  • Par manque de compétence… par manque de nécessité… ou les deux…
  • Parce que la culture du contrôle imprègne l’organisation d’une façon irrécupérable et que celle-ci s’est vidée des compétences requises pour faire émerger toute autre chose.
  • (troisème raison ajoutée hier soir par mon ami François Trudel) Parce que ceux qui détiennent le pouvoir souhaitent le conserver et le consolider (donc se servir eux mêmes plus que servir l’organisation)?

Dans ces deux (trois) cas, la mort à petit feu guette…

Qui d’entre vous se voit travailler dans de telles organisations?     spacer

a+

p.

Share and Enjoy:
  • spacer
  • spacer
  • spacer
  • spacer
  • spacer
  • spacer

Related posts:

  1. Les limites de la hiérarchie et des descriptions de postes…
  2. Les conversations qui permettent d’innover
  3. Les organisations qui cultivent leur vivacité (deuxième partie)
  4. Pourquoi nos organisations collaborent-elles si peu…
  5. Un management à repenser…

Catégorie(s) : Pratiques et façons de voir · Réflexions

4 réponses pour le moment ↓

  • 1 SylvainB // 15 novembre 2009 à 11:09

    Ah… si toutes les directions d’écoles et les Commisions scolaires du Québec lisaient ce billet (SOUPIRSSSSS)

  • 2 Sébastien // 16 novembre 2009 à 8:41

    Il faut commencer par reconnaître que plusieurs organisations et institutions sont déjà « passées date »: l’argent rentre encore, mais la mission n’est plus accomplie à la hauteur de ce qui est possible, et de loin.

    Les membres de l’organisation ne le diront pas tous en public, mais rares sont ceux qui ne le pensent pas en privé.

    Dans ces organisations, le contrôle n’a plus qu’une fonction: celle de garder l’organisation en place, et donc de maintenir la sécurité (financière, sociale, etc.) qu’elle apporte aux personnes qui en font partie.

    Par conséquent, comme tu le dis, le fait de renoncer au contrôle mènerait directement à la dissolution de l’organisation. (Ce qui serait une bonne chose, soit dit en passant.)

    Voici pourquoi, à mon avis, on ne peut réformer directement une organisation qui tombe dans cette catégorie: c’est un peu comme essayer de changer une chandelle en ampoule. On aura beau réarranger les morceaux de chandelle tant qu’on veut, on n’aura jamais une ampoule. Il faut lâcher la chandelle et partir d’une autre amorce.

    Bon, j’admets que si les membres d’une organisation décrépite pouvaient **changer de mentalité tous en même temps**, il y aurait lieu d’espérer qu’elle survive à la crise et se renouvelle.

    Cependant, dans les faits, puisque la transformation à accomplir dans une organisation décrépite est très profonde, le changement ne se fait qu’une personne à la fois, à travers de prises de conscience individuelle.

    La vie quitte donc l’organisation une personne à la fois à mesure que ceux qui tiennent davantage à la mission qu’à la sécurité vont chercher des moyens de réaliser cette mission à l’extérieur de l’organisation.

    L’organisation, elle, entre dans une spirale fatale, puisque le départ de ses forces vives ne lui laisse qu’une proportion sans cesse croissante de gens résistants au changement.

    En gros, voilà pourquoi je mise le paquet sur ce qui naît (et vit!) en-dehors de ces organisations qui ont trop de chemin à faire pour les moyens de changement qu’elles ont.

    C’est triste à dire, mais la contribution la plus utile que peuvent faire de telles organisations est de servir de vache à lait pour nourrir le renouveau qui s’établit hors de ses murs.

    Ce qui n’est pas mal du tout, remarquez.

  • 3 Paquets… :: Le vent du changement souffle parfois plus au-dehors :: November :: 2009 // 16 novembre 2009 à 9:03

    [...] Philippe Dancause s’interroge: «et si certaines organisations n’avaient tout simplement pas les moyens de s’éloigner du paradigme du contrôle?» Voici la réponse que j’ai laissée en commentaire à son billet. [...]

  • 4 Malaise dans le système… | Variations sur thèmes // 17 novembre 2009 à 11:26

    [...] logique de contrôle dans laquelle certains sont encore empêtrés. (À ce sujet, lire l’excellent billet chez grisvert.com: leçon de gestion 101 [...]

Laisser un commentaire

gipoco.com is neither affiliated with the authors of this page nor responsible for its contents. This is a safe-cache copy of the original web site.