Les billets qu'il faut avoir lu

Faire du vin est-il un acte artistique ?

Je change comme promis la date et la catégorie de quelques billets, les ressortant du "placard" dans lequel le temps qui passe les avaient mis ;-). Un petit coup de dépoussiérage et hop, c'est comme neuf... C'est ça qui est bien, dans le Web, c'est que ça dure... La catégorie s'appelle « les billets qu'il faut avoir lu ». A l'époque, pas de commentaires. J'espère qu'il y en aura cette fois spacer


Peut-on comparer le travail du vigneron à celui du peintre, du sculpteur, du poète ?

La question me semble intéressante. Il y a quelques semaines, en lisant un excellent polar d’Elisabeth Georges qui se passait dans le milieu de la peinture, mon attention fut attirée par un chapitre qui décrivait formidablement bien l’itinéraire, les joies et les peines d’un peintre.

De passage en passage, j’ai trouvé que certaines angoisses, motivations et espérances de l’artiste, décrites avec beaucoup de précisions, présentaient d’étonnantes similitudes avec mes petites angoisses quotidiennes de vigneron.



Je vous en livre certains extraits avec des commentaires.

Les extraits entre guillemets sont d’Elisabeth Georges (Elisabeth, si tu nous lis, j’espère que tu ne nous en voudras pas :)). Situation : son détective fétiche, Lynley, visite l’atelier d’un peintre…

— « Il ne pouvait s'empêcher de les comparer aux aquarelles qu'il avait vues chez Antony, joliment exécutées mais dénuées d'originalité. Ces œuvres-ci, au contraire, constituaient un défi tant sur le plan des couleurs que sur celui de la conception. »

Note de HB : n’est-ce pas ce que l’on ressent lorsque l’on goûte certains vins, techniquement parfaits, mais qui ne déclenchent aucune émotion, aucun enthousiasme et que l’on oubliera aussitôt ? Combien de vignerons sont de véritables "créateurs" en cela que leurs vins ne ressemblent à aucun autres ?

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— « Créer, c'est décider d'offrir une part de soi aux autres et de la soumettre à leur jugement. En tant qu'artiste, je pensais me moquer de l'accueil réservé à mon œuvre. Je pensais que l'essentiel était l'acte créateur et non la manière dont il était reçu. Malheureusement, j'ai cessé de croire en cela. Et lorsqu'on cesse de croire que l'acte de créer est supérieur à l'analyse qu'autrui peu en faire, on est frappé de paralysie. C'est ce qui m'est arrivé. »

Note de HB : n’est-ce pas ce que l’on reproche, au fond, à certains vignerons d’aujourd’hui? Ne rêvant que de plaire à certains critiques – indispensables, il est vrai, au succès commercial de leur entreprise – ne perdent t-’ils pas beaucoup de leur capacité à créer, à innover, à exprimer une vision ou un terroir ? Si je perds cette capacité à me mettre à nu devant mes clients, de risquer leur enthousiasme ou leur rejet, suis-je encore un vigneron digne de ce nom ? Garder à l’acte créateur la place qui lui est due, la-bas, tout en haut et bien au centre, voilà qui n’est pourtant pas, au quotidien, facile à faire… Surtout en ces temps de normalisation exacerbée...

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— « J’ai perdu la passion. Or, sans elle, il n'y a plus que des masses, des objets. Peinture, toile, argile, cire, pierre : seule la passion peut leur faire prendre vie. Sans la passion, la matière reste inerte. Oh, bien sûr, on peut toujours dessiner, peindre, sculpter. Des tas de gens le font. Mais ce n'est rien de plus qu'un exercice de style. Ce n'est pas l'expression du moi. Or c'est ça que je voulais retrouver - le désir d'être vulnérable, la capacité de sentir, de prendre des risques. Si pour atteindre ce résultat, il me fallait changer de technique, de style, de support, j'étais décidé à essayer. J'étais prêt à tenter n'importe quoi. »

Note de HB : les vignerons n’ont ils pas aujourd’hui tous les mêmes outils ou presque (mêmes clones, mêmes égrappoirs, mêmes cuves, mêmes barriques, même accès à l’information, etc. ?) Pourtant, tous ne sont pas des créateurs. Prendre des risques, être « vulnérable » : je ne suis pas un artiste, certes, mais pourtant, j’ai vraiment l’impression d’être toujours en danger. Et je sais que mon plus grand ennemi est la routine, la sécurité, le confort, les certitudes. Des exercices de style, qui n’en goûte pas ? L’expression d’un « moi », d'une personnalité forgée par la vie, ses épreuves et ses défis, voilà qui est plus difficile à faire rentrer dans une bouteille… N’est pas pourtant ce que nous espérons tous trouver, nous les amateurs de vin, lorsque l’on a beaucoup goûté ?

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— « C'est pour broyer les couleurs, lui expliqua Sarah. À l’époque, je fabriquais moi-même mes couleurs. — Vous êtes une puriste, commenta Lynley. Elle sourit, toujours avec résignation. — quand j'ai commencé à peindre, il y a de ça des années, je voulais maîtriser chacune des étapes. Je voulais être chacun de mes tableaux. Je fabrique même les cadres. Pour vous dire à quel point j'étais... pure — Vous avez perdu cette pureté ? — Le succès gâte tout, à la longue — Et vous avez connu le succès... »

Note de HB : Ai je besoin de commenter :)) ? Mais j'ai dit que je le ferais. Le succès est indispensable à un vigneron, ne serait que parce qu'il a une famille à nourrir et qu'elle fait, souvent, déjà beaucoup de sacrifices. Mais aussi pour avoir les moyens de prendre des risques et de toujours être en pointe. Mais il faut faire attention, en permanence, aux effets de ce succès. Continuer à chercher les détails, tenter le diable qui se glisse en eux, à viser l'excellence, quel qu'en soit le prix, ne jamais se relacher. En serais-je capable ? Un homme averti en vaux deux. Nous ne serons pas de trop spacer

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— « Intéressant fit Lynley, car ce n'est pas ce qu'on appelle une artiste moderne. On pourrait penser que pour être reconnu dans le monde des arts, il faut innover. Or, j'ai vu son travail et la découverte de nouveaux territoires ne semble pas l’intéresser. — La découverte de nouveaux territoires... La peinture de boîtes de soupes, vous voulez dire, sourit Pen — Peut-être — Ce qui est important, ce n'est pas de coller à la mode du moment, mais d'avoir un style qui retienne l'attention des collectionneurs et des critiques, Tommy. Un artiste qui a un style propre crée une œuvre novatrice. Et si ce style recueille l'approbation internationale, sa carrière est faite. »

Note de HB : ouvrir la voie vers un nouveau territoire, avoir un « style » propre, tenter l'impossible, c'est à dire plaire aux clients débutants, aux grands amateurs qui ont tout bu ET aux critiques qui cherchent à exister, est-ce encore possible tout en gardant son âme ? Artiste maudit, artiste académique, les deux extrêmes peuvent aussi cohabiter dans le monde du vin.

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— « Certains artistes se bornent à faire admirer leur technique, ils ne prennent aucun risque, ne transmettent rien. D'autres se contentent de devenir des experts du matériau qu'ils ont choisi. Ils travaillent l'argile, la pierre, le bois ou la peinture aussi habilement et aussi facilement que des artisans ordinaires. D'autres, enfin, plus exigeants, essaient de créer quelque chose à partir de rien. Ils font surgir l'ordre du chaos, ils cherchent l'équilibre entre la structure et la composition, le sujet et la couleur de sorte que chacune de leurs oeuvres véhicule un message déterminé. Une œuvre d'art interpelle les gens, les oblige à prendre le temps de regarder - ce que l'on fait de moins en mois dans un monde sans cesse en mouvement. Et quand les gens s’arrêtent devant une œuvre d'art - qu'il s'agisse d'une toile, d’une sculpture en bronze, en verre ou en bois, on peut dire que le créateur a pleinement atteint son objectif. Plutôt que de chercher à se faire remarquer, il provoque la réflexion. » « Il appartenait à cette dernière catégorie. Il avait su transcrire ses passions sur la toile. »

Note de HB : comment expliquer le rôle fondateur de certains vins ? Comment expliquer qu’ils soient de véritables points d’ancrages, des piliers, les fondations d’une passion et d’une recherche ? Si l’un de mes vins, un jour, provoque cela, ne serait ce que chez une personne, alors, je saurais, comme tout vigneron qui se respecte, que mon travail, mes efforts, mes sacrifices n’étaient pas vains. Ma satisfaction sera alors à mon sens légitime. Et pourtant, il faudra recommencer tout de suite à se remettre dans l’insécurité, dans le doute, dans l’urgence.

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— « Vous n'êtes pas ici pour apprendre à oser des touches de gouache sur la toile... Le premier imbécile venu peut éclabousser une toile de peinture et appeler cela de l'art avait-elle ajouté. Mais ce n'est pas de ça dont il est question chez moi. Vous êtes ici pour apprendre à mettre une part de vous-même dans votre travail, vous exprimer par le biais de la composition, du choix des couleurs, des volumes. Pour arriver à un résultat. Il fait connaitre un peu ce qui a déjà été fait, et, partant de là, aller plus loin ; choisir un sujet mais peindre un concept. Je peux vous enseigner des techniques, vous indiquer des méthodes, mais si vous voulez donner à votre travail la dimension d'une œuvre d'art, il faut que ce que vous produisiez vienne de votre âme. »

Note de HB : goûter, apprendre choisir un modèle puis, s'en séparer et, un jour, enfin, faire. N’est-ce pas ce que fond bien des vignerons ? Mettre dans sa bouteille un peu de son vécu, de ses joies, de ses peines, de ses réussites, de ses échecs, de ses émotions, de son intelligence et de ses bêtises, voilà qui est plus difficile. Mais suis-je le seul à penser que bien des vins ressemblent aux vignerons qui les ont fait naître ? Ou la part inconsciente qui est en eux et que le vin traduit et dévoile comme un dessin dévoile le drame ou l’angoisse d’un enfant ?

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— « Si vous n'avez pas d'âme ou si vous ne l'avez pas encore découverte ou si vous avez un peu peur de la découvrir, vous réussirez quand même à créer quelque chose. Ce sera agréable à regarder et gratifiant à faire. Mais ce sera de la technique. Pas nécessairement de l'art. Le but, notre but, est de communiquer quelque chose par l’intermédiaire d'un support. Or pour l'atteindre, il faut avoir des choses à dire. — Subtilité, leur avait-elle dit. La clé de la réussite est dans la subtilité. Une toile est un chuchotement, pas un cri… »

Note de HB : les grands vins ne sont-ils pas eux aussi, finalement, des « chuchotements » ? Les grands vignerons n’ont-ils pas eux aussi « quelque chose à dire » ? N’est pas pour cela qu’on aime leurs vins ? Oui, décidément, le grand vin est un subtil chuchotement, pas un cri...

Je ne sais pas si faire du vin est un art. Et je ne prends surtout pas pour un artiste. L'artiste, c'est la vigne, la nature. Mais je sais que certains vignerons savent de quoi il est question ici.

Ecrit le 23/05/2005 - Corrections mineures le 26/11/2008

  • mercredi 26 novembre 2008
  • Les billets qu'il faut avoir lu
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le Terroir : more than human

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More than human, c'est le titre d'un livre de Theodore Sturgeon. Il n'est pas d'hier. J'ai l'édition en poche, de 1970, dans la collection "J'ai Lu", mais le roman date de 1956. J'ai bien dû relire ce livre une dizaine de fois, depuis qu'enfant, j'ai été frappé par la passion de la Science-Fiction, passion qui, depuis, ne m'a plus quittée. J'ai souvent pensé à démarrer un petit blog sur le sujet. Mais ce ne serait pas raisonnable, n'est-ce pas ? ;-). Je me garde cette possibilité pour mes vieux jours, si vous le voulez bien.

Suite à mon article sur le génotype, phénotype et terroir, qui me semble vraiment d'actualité et que je me permets de vous conseiller de lire, j'ai beaucoup réfléchi à la meilleure façon de définir et d'expliquer ce qu'est le terroir. Ce livre peut vous aider à comprendre. D'abord, c'est un bouquin formidable, qui n'a pas vieilli d'une ligne et qui, à l'époque, était d'une originalité incroyable. Ensuite, il aide à comprendre à ceux qui pensent encore que la Science-Fiction, c'est des trucs du genre "la guerre des étoiles" ou "Alien vs Predator" que sous le vocable se cache des romans de toute nature, y compris psychologiques, dont l'aspect "fiction" n'est qu'un ressort.

Bon, vous l'avez compris, achetez et lisez ce livre si vous voulez comprendre le terroir spacer Car dans ce livre, j'ai découvert la notion de "Gestalt" et, au fil du temps, je suis intimement persuadé, aujourd'hui, que le "terroir", et bien c'est un "Gestalt" un peu particulier. C'est un peu difficile pour moi de décrire ce que j'ai l'impression de ressentir à défaut de le comprendre vraiment, et de plus, je ne voudrais pas dévoiler le ressort romanesque de l'œuvre. Mais je vais essayer...

Je pense qu'il faut lire, sur le concept de Gestalt, l'article de Wikipédia, ICI. Après.. Et bien après, on le relit une deuxième fois en essayant de tout comprendre spacer Puis une troisième, quand on a pas un QI très élevé, comme c'est mon cas, mais en pensant très fort à ce que l'on sait du terroir (pour toi, Philippe, une fois suffira, je pense. Et tu te reconnaitras spacer Fin de la private joke ;-). Et normalement, vous devriez, comme moi, voir un début de concept en méditant, en particulier, sur les principales lois de la Gestalt...

Le terroir est une forme de Gestalt parce qu'il donne une forme perceptible à une communauté de choses fort différentes (un sol, un climat, un cépage, un millésime, une histoire, un homme, une vinification, etc.) qui, d'un seul coup, par un plus petit dénominateur commun, par un lien – la vigne –, devient une "forme" perceptible. Bien sur, il y a un vin. Mais derrière ce vin, il y a une "structuration de forme" qui ne doit rien au hasard et qui est intelligible pour qui est attentif. "Le tout est différent de la somme de ses parties" explique la Gestalttheorie. Ses lois, effectivement complémentaires mais parfois contradictoires, peuvent tout à fait s'appliquer à la culture de la vigne et à l'élaboration du vin, voire même à la notion d'AOC, si difficile à expliquer et à comprendre...

En quelques mots, le terroir est une communauté de moyens, dont chaque membre est plus ou moins important, dont l'importance de chacun varie en permanence sans qu'il soit possible de savoir qui est essentiel ni à quel moment il l'est, chacun devant "œuvrer" ensemble pour donner naissance à un tout qui est supérieur à la somme de chacune des parties, ce tout n'existant pas si l'un des membres du Gestalt défaille.

Bon, en fait, je sais pas si tout cela est bien clair. Dites moi ce que vous en pensez, on essaiera ensemble de préciser les choses...

  • mardi 18 novembre 2008
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Réviser ses fruits rouges...

"Fruits rouges, que de lieu commun n'aura t'on dit en ton nom..."

Et oui, avec "minéralité", le qualificatif "fruit rouge" constitue, je pense, un concurrent de choix pour la médaille d'or du lieu commun au championnat du monde de la note de dégustation passe-partout...

C'est un vin rouge, ça sent le fruit, alors, c'est "fruits rouges". Oh, ne vous moquez pas car on l'a tous fait, ce coup là. Et si je vous proposais d'évoluer un peu et d'arrêter de dire des billevesées ? Tout en vous régalant ? Allez, on y va, c'est parti pour l'atelier fruit rouge et la préparation du dessert.

Comme vous le savez, les recettes, ici, c'est détour et redétour, histoires, souvenirs et digressions abondantes. Pourquoi vouloir faire une entorse à une si jolie règle ? spacer

Il y a bien longtemps, je fus bavarois. Pour quelques semaines, je vous rassure, lors d'un stage à Grainau, à quelque km de Garmisch-Partenkirchen.

Bon, mon niveau en Allemand étant proche du vide absolu ("est absent même quand il est là", annotait non sans humour, sur mon bulletin de note trimestriel, mon professeur de l'époque ;-), je ne pus  profiter pleinement du séjour, je l'avoue. Mais c'était l'époque du  disco, du vrai, du pur, des blousons brillants, de la légèreté incroyable qui emplit l'être humain autour de sa vingtième année, et , même si les bavaroises ne se rasaient pas souvent les jambes, provoquant ainsi la sensation, nouvelle pour  moi, dite "du poil sortant du collant" spacer ), elles avaient, pour le jeune Bizeul de l'époque, le charme de la nouveauté et la blondeur des alpages ;-). Je sais, oh lecteurs et lectrices connaisseurs de la Bavière profonde, tu m'imagines (oserais je dire "tu me fantasmes " ? ;-))), en ce moment même, à nouveau, après l'Autriche, en lederose, en culottes de peau traditionnelles, décorée à la main de jolies fleurs en cuir spacer Mais ce genre de plaisir est réservé, je te l'ai déjà précisé, à un "premier cercle" de relations proches, dont il est TRES difficile de faire partie ;-).

Bon, donc, en Bavière, j'étais commis de salle dans un hôtel de village, plutôt cosi, très sympa, dont ce billet m'a permis de retrouver le site internet. La semaine, je débarrassais beaucoup, avec le sourire, servais peu, et me passionnais pour le découpage de la truite au bleue, spécialité du restaurant à l'époque. Combien en ai découpé en deux mois, des truites ? Beaucoup, c'est certain ;-). Mes jours de congés, je filais voir les châteaux du bon Ludwig, aussi spectaculaires que romantiques. On se baignait dans les lacs, froids mais beaux. On mangeait des myrtilles et des fraises de bois. On buvait du lait frais, comme je n'en avais jamais, à l'époque, goûté d'aussi bon, aussi parce qu'au salon de thé "rendez-vous des stagiaires", c'était la boisson la moins chère... Ah, ces souvenirs qui sonnent comme une chanson de Maxime le Forestier ;-), ça fait du bien à évoquer. Ça donne même envie, un jour, d'y retourner, même si on sait que tout cela n'aurait rien à voir avec ses souvenirs, parce que l'on a soit même bien davantage changé que le lieu et que l'époque...

T'ai-je dis, oh, lecteur, que nous étions montés là haut dans la 2 CV de l'ami Couteau, qui datait des années 60 ? Une semaine à traverser la France puis la Suisse, puis l'Allemagne, par les départementales, à 50 de moyenne, beaucoup moins dans les cols spacer Pendant le voyage, muni de mon magnéto cassette et de mon casque Sennheiser aux grosses oreilles de mousse jaune, j'inventais – si je puis dire – le Walkman, avec quelques mois d'avance sur Sony... Sans que personne ne le sache, même pas Andréas Pavel, le soi-disant véritable inventeur ;-). Qu'importe si je n'ai jamais récolté les fruits de ma créativité : ah, Supertramp, "Breakfeast in America", au casque, même en mono spacer

Tiens, voilà, en cadeau. C'est le moment "remembers" 1979 spacer


Bon, j'arrête là. Mais ça m'a fait du bien d'évoquer un peu mon passé. Un blog, me disais-je récemment, c'est aussi fait pour transmettre... Voilà ma fille, oui, ton père aussi a eu vingt ans et ils se sentait lui aussi léger, léger...

On avait pas dit qu'on parlait fruits rouges, au fait ? ;-))))

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En Bavière, donc, cette année là, je tombais amoureux. D'une spécialité locale, un truc qui se mange, on se refait pas ;-), j'ai nommé la Rote Grütze. Bon, je vous passe l'historique du plat, mais sachez qu'on en trouve partout en Allemagne où c'est un dessert très populaire. C'est une sorte de compote minute de fruits rouges de saison, épaissie avec un peu de gelatine (enfin, moi, c'est comme ça que je la fais, mais certains utilisent la maïzena ou un autre épaississant quelconque), refroidie et recouverte, en général, de crème anglaise. Quand c'est bien fait, c'est vraiment un dessert délicieux. Quand c'est mal fait ou industriel, c'est nul. Pardon, mais il n'y a pas d'autre mot.

Une fois par an, entre le début juillet et la fin aout, j'en fait au moins une fois. D'abord parce que j'adore ça. Ensuite parce que c'est un fantastique opportunité, pour l'amateur de vin que je suis, de "réviser" ses fruits rouges.

Alors, au marché, j'achète des fraises, des framboises, des myrtilles, des cerises, des cassis, des groseilles blanches et rouges, et je complète le tout par quelques mûres récoltées au bord du chemin en rentrant à la maison.

En équeutant et en lavant tout cela, je m'imprègne des odeurs, toutes différentes. Et puis, bien sûr, je goûte. Puis, je mémorise tous ces parfums et ces goûts, que l'on croit proches et qui pourtant sont très éloignés les uns des autres. En les mettant côte à côte, c'est une évidence. Pendant tout le reste de l'année, en me remémorant ce moment, je trouve facilement dans les vins des arômes précis, qui, pour ainsi dire, me sautent au nez ;-). Et qui, sans ce petit training, auraient été noyés sous la très généraliste mention fruits rouges...

Ce n'est pas fini. Coupées en quatre, les cerises sont mises à cuire à feu doux dans une belle sauteuse en cuivre. Hop, le parfum de cerise cuite est mémorisé. Coupée en petits quartier, on jette les fraises. Hop, un autre parfum commence à monter. Puis les cassis, les groseilles, les mûres, enfin les framboises et, les années fastes, les fraises des bois ou les myrtilles sauvages... On laisse bouillotter quelques minutes, à feu très doux, et là, on a enfin ces arômes de compote de fruits rouges que, fatalement, on retrouvera un jour au l'autre dans un des vins. Le bonheur. On y rajoute quelques feuilles de gélatine, que l'on aura pris soin de faire gonfler dans l'eau froide. Un bouillon pour bien la dissoudre, puis on laisse tiédir et, enfin, une demi-heure plus tard, on remplit des coupes à moitié, avec le mélange tiède. Ensuite, toujours pas de frigo. il faut en effet impérativement laisser la gélatine refroidir et "prendre" à température ambiante. C'est en effet une protéine, un collagène, donc une molécule très longue, une sorte de fil, qui a comme propriété de se dérouler ou de se replier sur elle-même, selon les circonstances. Si on ajoute à cela qu'elle est hydrophile, c'est-à-dire qu'elle adore se coller à une molécule d'eau, tout s'explique : dissoute dans l'eau chaude, elle s'allonge. Sous l'effet du froid, elle se contracte et forme un gel. Indéfiniment ou presque. Un refroidissement lent donne le temps aux molécules de mieux se "replier" sur elles même en "gélifiant" au maximum.

Bon, reste à faire une belle crème anglaise, avec des œufs dont on connait si possible la poule qui les abritait, un lait entier d'une vache heureuse, une gousse de vanille luisante et rebondie et bien sûr un petit tour de main qui vous la fait nappante à souhait.

On laisse refroidir les coupes de Rote Grûtze quelques heures, puis, au moment de servir, on rajoute un bon tiers de crème anglaise sur la gelée. Ensuite, il suffit de traverser la crème pour arriver aux fruits. Après, chacun sa technique. On rentre dans l'intime. Dans le plaisir. Dans l'interdit.  Chut.

Tout cela pour devenir un meilleur dégustateur, reconnaissez que je ne recule devant aucun sacrifice…

  • mercredi 20 août 2008
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Robert Parker, la notation sur 100, les soutiens-gorges et moi...

A force d'écrire sur Bob, on va me croire obsédé spacer Comme c'est la première fois que j'écris sur les soutiens-gorge, les historiens du web et du vin, qui, un jour, analyseront ce blog, en déduiront en revanche ce qu'il voudront sur mes véritables obsessions ;-). Bon, je dis Bob, mais ce billet est fondamental pour tous ceux qui, à sa suite, se mirent à noter le vin sur 100 points. Je m'explique.

Pas plus tard que vendredi, j'eu comme un flash. Une vraie. Un grand tilt. : plus qu'aux histoires cochonnes, ce qu'il adore d'après Geoffrey Davis, Bob aurait dû d'avantage s'intéresser à Victoria's Secret ou à La Perla. Il aurait alors découvert, comme je l'ai fait, la « Notation Ultime », la fusion alchimique et Dalinienne entre la note sur 100 et... la profondeur du bonnet. Et oui, nous allons parler poitrine. L'époque étant parait-il aux vins à "fortes poitrines", il était temps d'aborder le sujet. Même un lundi spacer

Je m'explique. Vite, sous peine de passer pour un cinglé grave spacer

Me voilà vendredi dans une dégustation de vins du Roussillon où, côte à côte, figurent des 88, des 90, des 94, voire des 95/100. Non pas que je mémorise toutes les notes du Maître ou des ses apôtres, mais comme le Roussillon a été noté la semaine dernière, il m'en reste des traces ;-). Je goûte. Je me pose de sacrées questions, je l'avoue... Et tout d'un coup, voilà mon regard attiré par un bout de dentelle noire qui prolonge un bras tendu... spacer

Plus rien n'existe. Un grand silence. Comme une impulsion lumineuse.. Oui, mais c'est, bien sûr !

A la notation de Bob, il manque la profondeur du bonnet !

Je me vois obligé ici de faire une explication succincte sur l'importance du bonnet. Toutes les femmes qui lisent ce blog, elles sont nombreuses ;-), le savent, les hommes moins car (trop spacer peu-d'entre-eux, au final, offrent de la lingerie aux femmes qu'ils aiment : entre un 90 A et un 90 C, il y a, comme qui dirait, la même taille mais pas la même promesse... spacer Et entre un 98 A (Laure Manaudou spacer et un 95 C (là comme ça, je pense à personne, mais les commentaires sont ouverts ;-), je sais vers quoi un mec normalement constitué est attiré.

Ce qu'il manque à la notation Parker, c'est la lettre après la note...

Avec une lettre en plus, qui indiquerait la concentration du vin, tout serait si clair...

Il pourrait y avoir un 98 A, un très grand vin pour le dégustateur qui le juge, mais la lettre indiquerait qu'il est sur la finesse, sur la tension, sur l'aromatique. Pas mon truc ou alors pas souvent. Le même 98 D, ce serait super concentré, noir, riche, crémeux et dense. Pavie, par exemple. Si on aime pas le style, on pourrait passer son chemin sans polémiquer pendant des heures. Gageons que les journallistes anglais trouveraient sans doute à se quereller sur qui pense qu'un D, ce n'est pas assez, et qu'il faudrait mettre un E, voire un F spacer On serait pas avancé, mais qu'est qu'on rigolerait... ;-). On pourrait, en revanche, si on aime la concentration, préférer acheter un 92 C plutôt qu'un 96 A. Vous voyez ce que je veux dire ? J'en suis certain... Chacun y trouverait son compte, non ?

Elle est pas excellente, la notation Bizelienne ? Car, désormais, il faudra bien l'appeler comme ça, non ;-)) ? Je vais la déposer de ce pas, inscrivant de fait mon nom dans l'histoire du vin d'une manière indélébile spacer

Je rigole, je rigole, mais réfléchissez, ce n'est pas idiot... Vous allez voir, ca va faire son chemin. Vous pourrez dire :  « j'y étais, le premier jour, au moment du big bang. Le jour où ce grand malade de Bizeul a trouvé cette idée pas si saugrenue que cela » spacer

P.S. : si tu es un professionnel de la Lingerie; si tu vas chaque année au salon de la Lingerie; si tu te souviens du mec passablement allumé qui, pendant deux ans, a animé un bar à Champagne en plein milieu du salon dans les années 90; si tu te souviens du goût particulier qu'avait à ce moment la petite coupette de Krug ou de Bollinger qu'il ta servi avec un petit toast de foie gras, au milieu des mannequins en peignoir : sois heureux, tu l'as retrouvé grâce au web ;-).

P.S.S. : Bernadette, si tu me lis, quels beaux souvenirs ! Quand est ce qu'on recommence ? spacer

  • lundi 26 novembre 2007
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Méditation sous l’olivier


Voilà plusieurs mois que je cherche un moyen d’expliquer le terroir aux américains. Oh, ne riez pas. En visite chez moi, même s’ils font semblant de comprendre, la plupart des amateurs de vin de langue anglaise, une fois remontés dans leur voiture, pensent que toutes ces histoires de terroir, c’est une connerie, une vue de l’esprit de l’indécrottable français, toujours romantique même s’il se croit cartésien. Il n’y a pas que les américains, d’ailleurs, mais aussi les anglais et même les suédois, les hollandais et sans doute bien d’autres...

Cela ne vous aura pas échappé, tout ce petit monde s’exprime en anglais et, voyez vous, dans cette belle langue, le mot « terroir » n’a pas d’équivalent linguistique. Le mot n’existe pas, tout simplement. Alors, c’est sans doute une des raisons de la difficulté à saisir le concept. Et le mieux, lorsqu’on ne comprend pas, c’est de dire que ça n’existe pas, comme ca, vous passez pas pour un imbécile. Certains n’hésitent pas à le faire.

Bon, pour expliquer le terrroir, on peut bien sûr rabacher le trio infernal : sol/exposition/méso-climat. Ils écoutent, l’air intéressé, poli, mais on voit bien que, comme ils ne sont pas dans les vignes toute l’année, au bon air, ils ont du mal à croire qu’il peut pleuvoir ici, sur ce coteau là, dans ce village là, et pas sur celui d’à-coté (c’est la cas aujourd’hui, d’ailleurs, où il pleut à Vingrau et pas à Salses, communes contigües). Ou qu’une petite inclinaison du coteau vers le nord alliée à 100 mètres de hauteur de plus, peuvent retarder les maturités de… deux semaines et donc considérablement changer le profil du vin. De plus, chez moi, ils ont du mal à comprendre pourquoi je parle du « terroir de Vingrau », alors que j’assemble des parcelles, trop marqués sans doute par la notion de « climat » dans le sens bourguignon du terme, soit le « cru », le fameux « single vineyard » comme l’est par exemple la petite Sibérie.

La semaine dernière, ce sont mes nouveaux amis les oliviers qui m’ont, croyez le ou non, donné une nouvelle façon d’expliquer le terroir. Celle ci m’a semblé si lumineuse, dans le sens qu’elle m’a « éclairé » moi-même en me permettant de mettre des mots sur un simple ressenti, que j’ai décidé de vous la raconter. J’espère qu’elle vous parlera.

Ainsi donc, il y a dix jours, je commence la récolte des olives de la variété « Picholine » en vue de leur transformation en olives de table. Au moment du calibrage, le responsable des apports me dit en substance : « Et, dites moi, monsieur Bizeul, dans vos cagettes, vos olives, ce ne sont pas que des Picholines. Il y a d’autres variétés, sans doute des « pollinisatrices », plantées pour favoriser la floraison des autres variétés. Mais comme vous êtes un bleu bite dans les olilves, vous ramassez n’importe quoi. Ah, Ah, Ah…» Et de me montrer des olives plus grosses, d’autres plus pointues, d’autres plus rondes, d’un air goguenard.

Bon, me dis-je, l’on ne m’y reprendra plus.  Un peu vexé, je retourne me balader dans les oliviers et, sans pour autant parcourir les… 44 km de courbes de niveau, je marche deux ou trois heures en essayant de comprendre. Je repère bien quelques arbres pollinisateurs, aux olives en forme de petites pommes d’amour ou aux minuscules olives qui ressemblent à des grains de café. Mais pour le reste, tous les autres arbres se ressemblent alors qu’effectivement, en fonction du stade de maturité, de la charge, de la situation de l’arbre, les olives me semblent parfois différentes. Comme on dit, j’en perds mon latin…

J’appelle donc à l’aide la technicienne de la chambre d’agriculture. Est-il possible que ces milliers de picholiniers n’en soient pas ? Et si oui, quelle variété peut-elle ainsi leur ressembler ? Trois jours plus tard, au premier coup d’œil, à son sourire, me voilà rassuré. Ce sont bien tous des picholiniers. Ils sont en pleine forme et, sur mes terroirs pauvres, caillouteux et inondés de soleil, ils sont en train de « tourner » avec un mois d’avance. De plus, irrigués et bichonnés, les olives sont magnifiques, sanitairement parfaites, ce qui est apparemment exceptionnel cette année. Ouf. Me voilà soulagé. Je ne suis pas totalement idiot spacer

« N’en voulez pas à G., me dit la technicienne. Cela peut arriver même à des spécialistes ». Et de me raconter une expérience vécue pas plus tard que la semaine dernière, lors d’une réunion de techniciens « olives » de tout le Languedoc-Roussillon. Devant un beau picholinier quelques part dans le Gard, un technicien s’exclame, lyrique :
- « chez nous (je ne sais plus où, j’ai pas noté…), les picholines, elle sont un plus pointues et plus allongées, plus « banane ». Il doit y avoir plusieurs génotypes. ».
- Que nenni, lui répond une autre distinguée chercheuse, nous avons comparé tout cela, tous les picholiniers du coin sont les mêmes. Ce qui change, c’est le « phénotype ». L’arbre est le même, mais influencé par son lieu de vie : son passé depuis la plantation, la façon dont il est cultivé, les conditions climatiques, la fertilité ou la pauvreté de son sol, etc. Et en fonction de tout cela, la forme des olives peut légèrement changer.

Tilt.

Je me dis, mais oui mais c’est bien sûr ! Le Phénotype. Le mot qui manquait à mon vocabulaire !

Tu prends deux vrais jumeaux. Tu les sépares à la naissance, un dans une famille de bûcherons ukrainiens, l’autre dans chez un couple de retraités obèses à Miami. À vingt ans, ils se ressembleront sans aucun doute mais tous deux auront été influencés, et pas qu’un peu (surtout à Miami… ;-), par le « terroir » où ils auront grandi.

Un joli clone de Syrah, planté au bord de la rivière dans la plaine du Roussillon, au bord de la rivière en Afrique du Sud ou au bord de la highway dans la Nappa, pas beaucoup de différence. Bon vin, peut-être, mais peu de personnalité si ce n’est « variétale ». Mais la même syrah, planté au sommet de l’Hermitage, granitique et sableux, ou sur le petit penchant caillouteux plein ouest derrière chez moi, argileux à mort et plein de cailloux, protégé du soleil par la montagne, rien à voir.

Et voilà aussi pourquoi on parle sans doute,  souvent empiriquement, de « petits » et de « grands » terroirs. Un petit terroir influence peu. Un grand terroir influence beaucoup. La vigne qui est plantée dessus, peut même, à l’extrême, voir son  « phénotype » totalement bouleversé, tant par le sol, l’exposition, le matériel végétal d’origine, la façon dont elle a été plantée et la façon dont elle est cultivée au quotidien. Et, en extrapolant, un grand vigneron est quelqu'un qui comprend les potentialités de changement et encourage son "phénotype" à se différencier le plus possible de celui de ses copains...

Voilà aussi sans doute pourquoi, quand on vit dans un continent comme l’Australie ou dans les grandes plaines de l’Ouest américain, ou il y a très peu, voire pas du tout, de diversité de sol ou de climat (et donc de phénotype...), on a un peu de mal à comprendre ce qui est si évident chez nous.

Conclusion : où l’on apprend que mettre une olive dans sa besace peut contribuer à « l’éveil » du vigneron ;-)))

  • samedi 27 octobre 2007
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